Vit et travaille à Aumont. Née à Paris en 1988
Elsa Abderhamani traite des lignes, franges de territoires, tenant de la structure comme de la frontière, de la formulation empirique d’un paysage comme de sa conquête. Elle parcourt, au sein de vidéos et de films d’animation, ces dimensions topographiques, politiques, avec la légèreté grave d’une caméra capable de contemplation, et de la densité propre à la « loi du cadre ». Elle a de ce principe, désignant chez Henri Faucillon les manoeuvres de sculpteurs de l’époque romane pour contraindre un motif à un support architectural, à la fois la densité de la représentation assignée à un cadre, et le silence éloquent du hors-champ, celui qui « se poursuit sans nous ». Apremont (2014), Commelles (2012), déroulent ainsi, selon les mouvements lents de la caméra, un « état » paysager, prétendant non à la complétude mais à une approche spéculative, foisonnante de sons, de variations sensibles, de la possibilité d’un événement dont le mystère reste entier.
Il y a une violence à circonscrire l’image, comme il y a violence à ériger les frontières d’un pays, dont l’artiste rappelle la mouvance (Frontières, 2012). Au même titre que relever les tracés du monde ou réaliser la captation d’un paysage peuvent faire œuvre d’appropriation - c’est l’histoire originelle de la peinture du paysage américain, valant pour connaissance et conquête -, rappeler les incertitudes historiques des tracés ainsi obtenus dit la part arbitraire de ces représentations (Maps, 2012). La distance, l’ironie campent des formes fictionnelles au sein de vidéos sans dialogue : ainsi des deux personnages en costumes de gladiateurs, maniant mécaniquement leurs épées de pacotille dans un cirque romain et touristique, parmi les images minutieuses de paysages en respiration (Le Cirque, 2016).
Audrey Teichmann