Vit et travaille à Paris. Né à Rouen en 1984
Il faut suivre Thomas Benard. Tout d’abord, parce qu’il trace un chemin à part avec une pratique faite d’explorations successives, loin des dogmes et des formes « à la mode » ; explorations de territoires autant que de formes narratives. Ensuite parce que son art est un art de l’itinérance, où la route devient la destination elle-même. Et si la destination se dessine malgré tout, elle n’est jamais colonisée a priori : Thomas Benard cherche sans cesse à lui rendre sa virginité originelle. Il s’intéresse donc naturellement à des territoires oubliés, abandonnés, hostiles, qu’il voudrait avoir découvert. Et à travers une pratique qui ne tient ni de la reconstitution de performances passées, ni du documentaire, il les habite « pour de neuf ». Il tisse alors des récits empruntés aux rites, des récits situés à la frontière du réel, dont on a volontiers envie de s’affranchir au contact de ses œuvres. Celles-ci offrent non pas une agrégation de trouvailles, mais une successions de quêtes qui invitent d’autant mieux à l’humilité, qu’elles se déploient dans un espace immense, allant jusqu’à l’Espace lui-même avec notamment des dessins réalisés à partir de poussière d’étoiles collectées chaque année après le passage des étoiles filantes (Dust dust dust dust dust…..).
Dans son oeuvre Le Chemin, l’artiste a récupéré des pierres d’un ancien chemin romain traversant les plaines d’ un territoire qu’il associe à la nuit. Ce chemin est imperceptible, disparu sous les terres et les ruissellements d’eau. Les pierres ont été concassées et réduites en poussière avant d’être collées sur une pièce de tissu. Le chemin est ainsi exhumé, recrée et déplacé, venant habiter d’autres lieux, à commencer par Montrouge, lui offrant de nouvelles potentialités.
Le film présenté au Salonest un bel exemple de la volonté de Benard d’entrer en relation avec un territoire en y projetant des histoires provenant de bribes d’informations entendues, de rapprochements avec des lectures anciennes, d’aléas liés à son arpentement.
Il y est question de tourbes, de modifications géologiques, de rassemblements rituels autour d’un lac, d’errances sur un territoire où il ne fait ni jour ni nuit, où l’on ne distingue pas le chien du loup. Tout s’y mêle : la géologie et l’histoire millénaire, affranchie de toute croyance, et l’histoire humaine, errance plus éphémère et parfois tragique.
Sans être proprement écologique, l’art déployé par Thomas Benard est profondément humaniste. En redonnant son importance au territoire, il rappelle le rôle essentiel que l’homme y joue par son intrusion et son appropriation. Tout y est affaire d’humilité à travers une quête qui prend la forme d’une rédemption.
Joseph Kouli