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Camille Juthier

Vit et travaille à Paris. Née à Sainte-Colombe en 1990

camillejuthier.com

Juthier Camille, À la source, 2018, Vidéo, 3 x 22cm

Juthier Camille, Flow era, 2018, Verre soufflé, 80 x 60 x 50cm

Juthier Camille, Sillakoro, 2017, Installation vidéo, Dimensions variables

Juthier Camille, Be bi - Bientôt les plantes nous absorberons, 2018, Verre soufflé, impression sur plexiglass, Dimensions variables

« Le sol pleureur a pris racine dans le pot de gel douche. » La formation philosophique de Camille Juthier lui a probablement donné ce regard perçant sur le monde, cette façon qu’a la jeune femme de disséquer les choses en faisant un pas de côté, pour essayer sans cesse de chercher leur origine, d’en trouver l’essence, le premier atome. Par des processus scientifiques, autant que poétiques, Camille Juthier questionne la matière dans son évolution, les changements climatiques, les problèmes environnementaux, notre rapport à la nature et au corps humain. Mettant en évidence certaines dérives de la science ou de la technologie, elle pointe du doigt les perturbateurs endocriniens qui viennent nous polluer, mais plus généralement certaines formes de vies marginalisées (comme celles des plantes, des personnes psychiquement différentes, des femmes...) face aux courants de pensée dominants et leur pouvoir coercitif. Cela donne lieu à de grandes peintures bleues qui ressemblent à des horizons mais sont faites de gel douche AXE, un polluant majeur dont la couleur pastel questionne la virilité autant que l’écologie (Axe peau, 2018). « Bientôt il n’y aura plus de ciel ». A d’autres moments c’est une grande installation faite de bulles de verre soufflées sur la forme de pierres et dans lesquelles des liquides aux étranges couleurs artificielles accueillent des fleurs (Be bi - bientôt les plantes nous absorberons, 2018). « Bientôt on cultivera la mémoire dans la sève des fleurs. » Pour la jeune femme, ces couleurs renvoient à l’idée d’agriculture hors sol, intensive, scientifisée à l’extrême mais aussi au Powerade, cette boisson énergisante qui symbolise le diktat du corps performant, viril puissant - ou comment tirer toujours davantage des végétaux et des hommes - mais aussi aux soins que prodiguent les plantes ou aux questionnements sur le genre et la nature du corps humain. En se réappropriant ainsi la science, l’artiste tente avant tout de trouver un moyen de s'émanciper et proposer d'autres regards sur les savoirs.

« Bientôt toutes les mers s’embrasseront. » De ces formes et de ces installations à la fois naturelles et surnaturelles émerge une inquiétante réalité que vient contrebalancer la pratique poétique de l’artiste. Tant dans les titres de ses œuvres que dans la mise en place de textes qui accompagnent son travail. Ou comment la matière ancestrale vient contrebalancer la violence de notre société contemporaine.

Anne-Sarah Bénichou

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