Chrystele Nicot

Avec « Intentional Sweat », vous plongerez une heure durant dans le quotidien de six survivants à la peau suintante et à l’élocution parfaite, qui malgré la fin du monde imminente restent accrochés comme des moules à leur statut de « french banker », d’« indian agronomic doctor » ou de « Chinese Art collector ». Echoués sur l’île d’Hong Kong, portion du monde exemplaire où tout est boursouflé et où il faut apprendre à vivre entre le poids des traditions, le fantôme du communisme et le logiciel tout neuf de la globalisation, du capitalisme triomphant et de ses effets collatéraux - dont, par exemple, la fin programmée de l’espèce humaine - ces six spécimens venus des quatre coins de la planète semblent tout à la fois aimanter le poids du réel tout en s’en fichant éperdument, tout occupés qu’ils sont à se séduire, à s’aimer ou à se séparer. Cette façon de ne pas y toucher s’apparente pourtant chez eux à un réflexe de survie car, explique l’artiste, « s’ils ne se reproduisent pas, leur lignée génétique et culturelle mourra avec eux ».

Derrière la fiction, Chrystèle Nicot, passée par les beaux-arts de Paris, engage aussi des questions de cinéma en revisitant les codes d’un cinéma hongkongais (film noir, publicitaire, kunfu comédie) qui après l’âge d’or des années 90 semble lui aussi errer dans un purgatoire sans fin.

Auparavant, c’est en Corée du Sud, autre société bipolaire partagée entre ses traumas internes et une fascination sans borne pour le monde occidental actuel, que Chrystèle Nicot a réalisé un ensemble de portraits de « lovers » inspirés par les séries Tv coréennes sans queue ni tête, peuplées de personnages farfelus et hystériques. Dans ses petites machines filmés extrêmement bien huilées, Chrystèle Nicot met en scène et accentue les effets de la globalisation sur un territoire pas si préservé qu’imaginé : notre intimité.

Claire Moulène