Vit et travaille à Tours. Née à Clamart en 1992
Pour Alexandra Riss, les objets sont des corps médians qui ouvrent la possibilité d’un autre, d’un geste, d’un ailleurs ou d’un rêve. Tiennent-ils d’accessoires chamaniques ou encore d’un désir non formulé comme l’objet a lacanien ? À Montrouge, Alexandra Riss présente Hippocampe, une armoire familiale pleine des petits monticules de poussière proprement agencés. Chacun de ces terrils de chambre a une caractéristique distinctive de matière et de couleur, comme autant d’expression d’une disparition, ou plutôt d’une transformation à l’état de poudre de souvenirs longtemps préservés. Il y a là « les objets que j’ai volé à mon frère, les gants de mariage de ma mère, mon doudou, un dé à coudre, une queue de cerise lorsque mon père, pour me faire rire, faisait semblant de régurgiter son noyau...”. Produits dans le cadre d’une résidence artistique au sein d’un Laboratoire d’énergie sensorielle, qui disposait d’une broyeuse, les objets ont été préalablement décrit par les ingénieurs. Une bande sonore laisse d’ailleurs entendre la longue litanie des adjectifs qui les qualifiaient avant leur mise en poussière. L’inventaire complet d’une vie d’enfant où les reliques les plus insignifiantes n’ont d’autre valeur que celle dont on les charge. Les objets que produit Alexandra Riss ne sont pas de simples collages surréalistes, mais ils sont véritablement dédiés à une pratique. Des chaussons de danse sont équipés de pointes en verre rendant visible les pieds compressés et meurtris de la ballerine. Elle convaincu une équipe de natation synchronisée de répéter en costume de bain autour d’un tapis de tissus de billard bleu rapiécé et posé à même le sol. Elle porte l’attention sur ce qui contraint les corps, ou ce à quoi il résiste : un carcan à danser, des prises d’escalade en vaseline… On se tient au seuil de l’échec ou de la souffrance, non sans entrevoir la possibilité d’un autre espoir. Après avoir laborieusement persuadé un joueur de rugby d’utiliser les chaussures à crampons en céramique qu’elle a fait réaliser à sa mesure, Alexandra Riss a eu le plus grand mal à récupérer ses créations devenues pour le sportif d’infaillibles fétiches de victoires.
François Quintin