Vit et travaille à Paris. Née à Taïwan en 1985
En reproduisant à l'échelle 1 une salle de bain, mais en la produisant en savon, Yawen Shih ne rejoue pas qu'un décor dans un esprit cinématographique. L'artiste crée une mise en abyme du principe même de décor et joue avec le sens, la perception et surtout la raison. S’agit-il d'un environnement narratif destiné à accueillir une histoire ? Une performance ? Une citation d'un scénario de cinéma ? Rien de tout cela et tout à la fois. Durant le temps de l'exposition, les variations hygrométriques pourront avoir un impact sur l'aspect de l'installation, sorte de témoignage émotionnel d'un drame en cours que l'artiste exprime en creux.
Chaque élément de ses installations devient le témoin d'une histoire en pointillé dont la vidéo, la photographie familiale ou encore les sérigraphies constituent des indices, au même titre que l'odeur et la vue. L'artiste crée une situation entre l'absurde et le surréalisme qui n'a d'autre victime que le spectateur lui-même, un peu comme ses sculptures.
Car cette audace s'accompagne de jeux formels qui ont déjà largement marqué la production de l’artiste. Ses oeuvres relèvent souvent de l’incongru et elle tire ainsi les leçons de ses prédécesseurs surréalistes, tels Meret Oppenheim et son Déjeuner en fourrure ou mieux encore son Ecureuil de 1969 (une bière affublée d'une queue d'écureuil) auquel semble répondre Nuit de Skunk, un flacon de parfum augmenté d'une fourrure. Ses créations telles que le King Trap ou le Mad Hatter Teapot sont autant d'analyses du jeu sociologique dont sont investis les objets lesquels, au-delà du fonctionnel, viennent assumer une dimension somptuaire. Ce jeu social légitime tous les débordements physiques et décoratifs du design et de l'architecture qui, n'en déplaise à Adolf Loos, reviennent régulièrement sur la table.
Matthieu Lelièvre