La 66e édition du Salon de Montrouge a lieu du jeudi 13 octobre au mardi 1er novembre
Depuis 67 ans, le Salon de Montrouge est une vitrine de l’art de son temps. Cette longévité exceptionnelle, dans un monde de l’art dont les mutations s’accélèrent, tient en partie à sa capacité à se réinventer pour répondre aux nouveaux enjeux de l’art, de ses publics, de ses artistes et de ses institutions.
C’est qu’en quelques années beaucoup de choses ont changé. Des sujets brûlants secouent le monde de l’art comme la société, ébranlent les convictions et parfois divisent : écologie, inégalités de genre, décolonialisme, multiculturalisme, théories du « care », démocratie technologique, xénophobie, migrations et, dans le milieu artistique particulièrement, représentation des minorités, rémunération des artistes, « artwashing », etc. Si ces questions sont ici évoquées, c’est parce qu’il est impossible d’y échapper aujourd’hui lorsque l’on imagine un projet artistique porté par la puissance publique, comme c’est le cas à Montrouge. Les nier serait une erreur stratégique et artistique, car elles s’inviteraient nécessairement dans le débat. Donc, plutôt que de s’adapter de manière cosmétique à ces nouveaux sujets, il s’agit d’en faire un régime de travail, qui inspire et guide nos manières de faire.
Parmi les réflexions qui nous ont animés, la première concerne la notion de visibilité. Quelle visibilité ? À quel moment ? Comment et pourquoi ? Un événement comme le Salon de Montrouge doit être une courroie de transmission, c’est-à-dire un dispositif actif, accélérateur et audacieux. Une dynamique. En ce sens, il a une destination, au sens littéral et métaphorique. C’est-à-dire qu’il doit être à la fois « adressé » à un public (utile, passionnant, apportant quelque chose de neuf à un regard) et édifiant pour l’artiste (que la visibilité ne soit pas qu’une formalité, mais un enjeu qui mette en question son travail). Dans la sélection des artistes, la singularité est un critère, d’autant plus que la structuration du milieu de l’art et de ses formations a tendance à standardiser les pratiques. C’est un paradoxe : dans un monde de l’art globalisé où les informations, les idées et les images circulent partout et s’échangent instantanément, la recherche d’univers originaux et atypiques, de pratiques sincères, inédites ou vernaculaires, est devenue un impératif. Par ailleurs, c’est dans un souci de pluralité et de rééquilibrage des grandes tendances de la création que l’on doit penser les critères de sélection, en assurant la présence de pratiques et de générations différentes. Un travail émergent est d’abord un travail qui a besoin d’être vu et découvert aujourd’hui, quel que soit l’âge de l’artiste ou l’état de sa carrière. L’accompagnement des artistes, enfin, est essentiel. L’ambition de participer à la création d’une scène émergente donne des responsabilités qu’il faut assumer sur le long terme. Il s’agit d’engagement curatorial, mais aussi d’écologie de travail : privilégier une relation durable en évitant le côté « jetable » du marché de l’art. En bref, créer un jardin de plantes vivaces plutôt qu’un joli bouquet de fleurs coupées renouvelé chaque année. Un terrain fertile qui produit ses boutures, ses greffes, fleurit et se développe sur le long terme.
Ces questions, qui nous ont guidés avec le comité de sélection et les services de la Ville de Montrouge, ont abouti à une sélection resserrée d’artistes dans une scénographie qui confronte les univers, une ouverture à des générations différentes, incluant des participant.e.s invité.e.s (sans passer par l’appel à candidatures) et des collectifs, le remplacement des prix par une multiplication de « perspectives » et des rencontres sur des sujets de société. Par ces renouvellements qui ne sont pas des révolutions, puisque la formule du Salon fonctionne déjà très bien, grâce au talent de nos prédécesseur.e.s (notamment Stéphane Corréard et Ami Barak), l’ambition est de créer une scène collective de l’art, de participer à la former, l’anticiper, l’alimenter et en suivre les évolutions.
Cette nouvelle édition voudrait être un espace-temps intense où des formes artistiques variées résonnent avec leur temps, avec leur histoire et leur géographie. Un événement au présent, qui bruisse de l’époque passionnante que nous vivons. Un patchwork généreux et signifiant où le public est invité à partager de la beauté, du trouble, des rêves, des inquiétudes et des désirs, mais aussi du savoir, des réflexions critiques et de l’intelligence. Le Salon de Montrouge tel que nous l’imaginons est un laboratoire sensible. En ce sens, avec un mélange fécond d’incertitude et de conviction, il entend participer à un écosystème de l’art, qu’il nourrit et dont il se nourrit dans une logique collaborative et vitale.