Née en 1992 à Strasbourg.
Vit et travaille à Paris.
Diplômée de École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy.
Garance Früh est sculptrice et déploie le plus souvent ses œuvres in situ, en relation à l’espace qui les accueille. Son vocabulaire formel se développe à partir d’un intérêt pour la corporalité et se nourrit du design des objets sportifs et médicaux : prothèses, orthèses, casques, cuissardes, coquilles, berceaux, chaises de bain, anneaux dentaires et tant d’autres. Démontés, réassemblés, moulés puis tirés en céramique, ils forment une catégorie d’objets-outils qui s’affranchissent de leur fonction originelle. Ils sont régulièrement présentés en conversation avec des surfaces textiles, tissus aux couleurs chair rappelant l’élasticité, la douceur et la robustesse de la peau, des sous-vêtements ou des étoffes prisées par l’industrie du vêtement sportif comme l’élasthanne ou la viscose. Ces voiles diaphanes et souples viennent se tendre autour des éléments saillants de l’architecture, et jouent d’effets d’échelle et de lumière avec l’espace d’exposition. Mis en tension par des lanières, qui ne sont pas sans rappeler des muscles ou des tendons, ils charrient souvent de petits objets qui ressemblent à des bijoux sous-cutanés. Si le corps n’est jamais représenté de manière figurative dans les installations de Garance Früh, il demeure toujours présent par le biais des formes exo-squelettiques qui les composent. Ces corps composites nous parlent des notions d’ergonomie, de protection, et figurent le soin et le maintien qu’elles apportent aux parties les plus vulnérables du corps.
Au-delà d’un vocabulaire formel de la flexibilité ou de la tension, le travail de Garance Früh interroge les biais genrés qui informent la perception des corps féminins et infantiles, ainsi que les régimes descriptifs de la faiblesse et de la douceur dans lesquels ils se retrouvent souvent enfermés. En citant l’article Lancer comme une fille (1980) de la théoricienne Iris Marion Young, elle s’intéresse à la phénoménologie du corps féminin dans son rapport à la puissance et à la musculature[1]. Supposer que les corps des femmes et des enfants sont vulnérables les relègue dans le domaine esthétique de la délicatesse ou de la fragilité, tout en participant à amoindrir leur agentivité, c'est-à-dire leur capacité d’action au regard des structures sociales. Les installations de Garance Früh appellent à une réappropriation de la force, informée par sa pratique d’atelier où son corps est tout entier engagé dans l’effort des formes qu’elle produit. Quant à la cuteness (mignonnerie) contemporaine, telle que la décrit la philosophe Siane Ngai[2], elle sature certains objets qui s’intègrent à ces sculptures, rappelant leur caractère ambivalent – entre attraction et répulsion – et les structures d’identification qu’ils véhiculent : nous destinons des objets mignons aux corps jugés « fragiles » afin de transférer cette qualité en eux, pas parce qu’elle les définit préalablement.
Thomas Conchou