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Madlen Anipsitaki et Simon Riedler - Collectif MASI

Perséphone, le tapis rouge | 2022 | Joshua Olsthoorn / ELEUSIS2023 Capitale Européenne de la Culture

La Terre en sablier | 2022 | Collectif MASI / Greenpeace Greece, SNFCC

Un réseau en fil dans le tissu urbain | 2018 | Collectif MASI / Escola da Cidade, A Cidade Precisa da Você, Arte Na Rua

Place avec vue | 2021 | Alexandra Masmanidi / Victoria Square Project

Piédestal Vol no1 | 2021 | Collectif MASI / Victoria Square Project

Madlen Anipsitaki, née en 1985 à Athènes, et Simon Riedler, né en 1991 à Paris.

Vivent et travaillent à Paris et Athènes.

Diplômé·es de l’École nationale d’architecture Paris-Malaquais et des Universités Paris-Dauphine et Paris-Diderot.

MASI est un collectif formé de Madlen Anipsitaki et Simon Riedler. μαζί signifie également « ensemble » en grec, l’une des langues de Madlen et de Simon. Ensemble, MASI possède un diplôme d’ingénieure en environnement, un autre en architecture ; enfin, un diplôme de sociologie. MASI est arrivé à la pratique artistique par différents chemins qui ne correspondent pas au parcours classique en école d’art mais en réponse à une nécessité thérapeutique intime, à l’issue d’une recherche universitaire théorique et d’expériences en contexte associatif et militant, notamment dans les bidonvilles d’Île-de-France et auprès de populations roms. Chacun·e, puis ensemble, Madlen Anipsitaki et Simon Riedler se sont mis·es à produire des formes dont on peut dire qu’elles sont des sculptures ou des assemblages, des installations plus ou moins éphémères dans l’espace public, des performances peut-être, mais aussi une documentation de ces formes.

Être « riverain·es » d’un bidonville, partager l’espace avec un groupe ethnique nouvellement arrivé, reconnaître des situations de mal-logement non identifiées comme telles, s’interroger sur la possibilité d’échanger quotidiennement avec des personnes vivant sur d’autres continents tout en ayant si peu de contact avec ses voisin·es – MASI travaille à répondre artistiquement et de façon collective à ces expériences. Il y a un lieu, une communauté et des formes qui sont inventées à partir de ces réflexions, et d’autres apportées par le contexte. Ce peut être à Paris, Athènes, São Paulo, San José, Mexico ou Berlin. Les gestes que proposent MASI sont simples : tirer un fil, faire couler des peintures sur drap depuis les balcons, avancer en procession hissé·es sur des sculptures mobiles. Ces gestes permettent cependant de modifier l’espace public tout en travaillant sur des préjugés, le racisme ordinaire, la frontière entre chez soi et chez l’autre, ou les rencontres hasardeuses rendues possibles par la ville et leur contention, parfois, par l’architecture et les politiques d’urbanisme.

Citons pour l’exemple Hippodamia in Context (2021), résidence pendant laquelle MASI s’est intéressé·e à la vie d’une place publique d’Athènes, la place Victoría : celle-ci fut à la fois une étude des relations entre les réfugié·es qui l’habitent temporairement et les habitant·es déjà résident·es, de la statuaire et de son imaginaire (lutte de Thésée et du Centaure, qui enlève Hippodamie tandis que sa servante assiste passivement à la scène) et l’invention d’un dispositif de médiation quotidien et ludique. Œuvre globale, Hippodamia s’est composée à la fois de peintures et de sculptures qui rejouent le mythe, d’occupations multiples de la place, de discussions, de processions, de gestes pédagogiques, d’intrusions dans des domiciles privés ; et d’archives photographiques et vidéo.

La pratique de MASI existe à un endroit qui n’est pas forcément facile à cerner pour l’institution artistique occidentale qui a fait, lentement, une place aux socially engaged practices à grand renfort de concepts et de théorie[1]. Si l’art contemporain traite largement, à un niveau symbolique, de pratiques militantes et associatives qui impliquent des publics « non-artistes », le contraire – l’existence de formes qui sont produites en contexte militant ou associatif et par des publics « non-artistes », ainsi que leur reconnaissance comme art qu’il est légitime de faire exister dans les lieux de l’art – est plus rare.

À Montrouge, MASI installe un tapis rouge désaxé (il ne mène plus à aucune entrée d’honneur). Parallèle au Beffroi, il est aussi moins rigide que celui que nous connaissions. Dépouillé de son rôle habituel – mettre en scène le pouvoir – il suscite d’autres interactions et se laisse gagner par des aspérités, puisque des objets domestiques, collectés par MASI auprès des Montrougien·nes, sont agrégés sur son envers. Cette pièce m’a rappelé l’intervention – mais peut-être aussi l’esprit, là aussi difficile à saisir par une histoire de l’art poussive – de l’artiste Kumiko Shimizu à Londres en 1989[1]. Il s’agit également d’un art du recyclage (par nécessité), de la mort de l’individualisme, d’un décalage par rapport à l’espace sacré de l’institution, du refus de certaines logiques de production, du choix d’une esthétique déconsidérée : toutes choses précieuses.

Eva Barois De Caevel

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