Né en 1988 à Pontoise.
Vit et travaille à Paris.
Diplômé de la Villa Arson et de l’Ecole Nationale Supérieur des Arts Décoratifs
Apparition. Les images et les mots dans les œuvres de Pierre-Alain Poirier se manifestent à la manière de scènes de vie aperçues dans les fenêtres éclairées des rez-de-chaussée.
Soleil. Minuit. Love. Les images se déposent à l’intérieur des boîtes de médicaments, comme une pommade qui colore le côté chair de cette peau cartonnée, déployée. Il dissèque ces écrins, qui conservaient des collections de cachets, de gélules, et autres formes ovoïdes pour lutter contre le cancer, la dépression ou un banal mal de crâne. Ces écrins pelliculés décorent et rythment son quotidien et celui de ses proches. Lune. Midi. Mort. On enveloppe nos réminiscences dans des capsules de temps, pour combattre la peur de la perte. Comme lorsque j’essaie de contenir de l’eau (ou ton cœur) dans le creux de mes mains. Elles s’échappent immanquablement, comme les images. Elles tombent, se plient sous le poids du vide, prennent la forme de l’attente. L’oreiller se souvient de la forme des visages qui s’allongent sur la table du médecin, comme les courbes des reposes-têtes à la morgue, qui accueillent les premières minutes de l’infini, des nuques froides qui nous quittent. Elles gardent le temps en mémoire.
Les œuvres de Pierre-Alain font réapparaître un temps qui s’est échappé. Une enfant aux yeux recouverts de deux coquilles de noix, sa sœur filmée par sa mère dont la pellicule perdue est reconstituée plusieurs années après la scène. Elle devient l’image photographique d’un souvenir. Un corps figé dans sa perte d’équilibre entre deux temps, à la manière d’une sculpture de Giacometti. Cette fois-ci, c’est un ersatz de Michael Jackson : une figure fantomatique opère la réplique chorégraphique d’un moonwalk dans une chambre d’hôtel (l’histoire veut que la célébrité ait dormi une nuit dans cette chambre, a-t-il dansé cette nuit-là ?). Pierre-Alain filme cette chorégraphie de la rétrospection, comme la promesse d’un déséquilibre, d’un intervalle de temps dans la décomposition d’un corps en mouvement : deux pieds qui glissent et miment le temps inversé.
Sous nos peaux tannées par l’hier, comme les couvertures des livres qui jaunissent, se cachent des histoires. Elles contiennent, dans leurs cellules, l’essence de toutes les présences qui nous traversent. La mort de celles-ci se cache dans la minute qui suit.
Des peaux artificielles recouvrent des squelettes métalliques aux formes architecturales et sans organes. Des cages thoraciques vidées de leurs substances vivantes, sans sang, sans battements de cœur ou d’ailes. A-t-on perdu l’oiseau, le chat, l’amour, la valise ?
D’autres peaux recouvrent le corps de Pierre-Alain. Dans leurs doublures, se cache des liasses de papiers sur lesquelles sont imprimées les pensées des autres[1]. Une pratique de dissimulation, inscrite dans un rituel familial. Sa grand-mère avait cousu des doubles poches dans les vestes de ses enfants, afin qu’ils puissent voler des choses, notamment des livres. Dans la doublure d’une veste de son grand-père, Pierre-Alain conserve un manuscrit écrit par son oncle. La mère de Pierre-Alain, elle, remplit les poches vides des pantalons de son fils de poèmes et de secrets, qu’elle murmure dans ces cavités molles, avant de les coudre pour conserver cette parole intime, dissimulée dans la fiction de la couture. Une pensée magique qui l’accompagne. Souvenez-vous du mythe de l’apprentissage par le sommeil : Glissez un livre sous votre oreiller, à votre réveil, vous connaîtrez toute l’histoire du monde, toutes les formules mathématiques et les concepts philosophiques. Les mots recouvrent le sol des rêves, comme la neige recouvre les fleurs en hiver. Disparition.
Liza Maignan