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Régis Samba-Kounzi

Couple de deux jeunes hommes, Abidjan, RCI, Série Molènde | 2016 | Couple de deux jeunes hommes, Abidjan, RCI, Série Molènde, © Adagp, 2016

Princesse, Quartier des prostituées, Port-Bouet, Abidjan, RCI, série Erzulie | 2016 | Princesse, Quartier des prostituées, Port-Bouet, Abidjan, RCI, série Erzulie, © Adagp, 2016

Wopounan, Pair éducateur à Alternative Côte d’Ivoire, Cocody, Abidjan, RCI, série Inside | 2016 | Wopounan, Pair éducateur à Alternative Côte d’Ivoire, Cocody, Abidjan, RCI, série Inside, © Adagp, 2016

Stéphanie, femme trans, Anyama, Abidjan, Côte d’Ivoire, série Molènde | 2016 | Stéphanie, femme trans, Anyama, Abidjan, Côte d’Ivoire, série Molènde, © Adagp, 2016

Joyce, femme trans, militante à Alternative Côte d’Ivoire, Yopougon, Abidjan, RCI, série Molènde | 2016 | Joyce, femme trans, militante à Alternative Côte d’Ivoire, Yopougon, Abidjan, RCI, série Molènde, © Adagp, 2016

Né en 1969 à Brazzaville, République du Congo.

Vit et travaille à Paris.

La pratique de Régis Samba-Kounzi explore les croisements entre récit photographique au long cours et critique culturelle, en remettant en question le consensus sur l’identité des communautés marginalisées en Afrique, l’oubli et l’offense dont elles font l’objet. C’est de cet « étant donné » du militantisme, de l’intime comme des enjeux de classe et de race liés à l’histoire coloniale et postcoloniale, que se sont nourris ses travaux. Dans les années 2000, il participe à la commission Nord/Sud d’Act Up-Paris, où il rencontre Julien Devemy, ancien compagnon et complice de toute une vie. C’est avec lui qu’il signe l’installation Nos communautés de résistance pour l’exposition Exposé·es au Palais de Tokyo, comme une façon de sceller une traversée commune marquée par l’engagement contre l’épidémie de VIH/sida.

Le manque d’image et de documentation des communautés LGBTQIA+ en Afrique, tout comme son articulation aux effets de la colonialité, son influence sur les mœurs et sur les politiques publiques, amènent Régis Samba-Kounzi à mettre en évidence la complexité des parcours de vie dans le Projet minorités qu’il mène depuis 2010[1]. Cette multitude de témoignages – et l’archive visuelle correspondante – tentent d’expliquer ce que signifie être gay, lesbienne et trans aujourd’hui en Afrique, où plus de la moitié des cinquante-quatre États ont des lois répressives envers les personnes queer. Sans toutefois tomber dans le piège d’un clivage Nord/Sud contre-productif, l’artiste donne une voix, un visage et un corps à celles et ceux qui sont en quête de termes et de manières d’être au monde. Il ne les considère pas comme des objets de réflexions mais comme les sujets d’un tissu affectif, qui laisse entrevoir un « nous » formé à la fois des personnes concerné·es et des autres.

En donnant sens à leur histoire et à leur généalogie, Régis Samba-Kounzi remet en question les normes et les récits dominants. Il révèle les conséquences de cet effacement dans l’espace public et soulève des questions sur la responsabilité collective qui nous incombe, celle de prendre soin de nos communautés face à l’urgence et de transmettre leurs récits. C’est peut-être ce qu’il y a au bord de ses photographies et de ses installations : des espaces de passage, de transition, de résistance, d’émancipation et de soin, de lutte et d’amour, de travail et d’amitié. Tout ceci, et sans doute bien plus encore, constitue une constellation opérante et sensible dans l’œuvre de l’artiste. Celle-ci nous marque pour mieux nous dessaisir des réflexes nauséabonds hérités de l'impérialisme occidental, qui stigmatise encore aujourd’hui les personnes afro-descendantes et queer.

Il y a sans doute des photographies politiques, mais il y a certainement aussi une politique de la photographie dans les méthodes mises en place pour documenter ce qui ne l’est pas assez. Régis Samba-Kounzi a une relation particulière avec les personnes qu’il photographie, une relation qui passe de l’intime au public et se poursuit au-delà des espaces d’exposition : peut-être dans ces nœuds qui entremêlent l’éthique et l’esthétique, ou encore dans ceux qui brouillent les frontières entre l’artistique et le politique.

Clément Raveu

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