Né en 1985 à Annaba, Algérie.
Vit et travaille en région parisienne.
Diplômé de l’École des beaux-arts d’Annaba et de l’École nationale supérieure d’arts Paris-Cergy
Depuis sa ville natale des environs d'Annaba sur la côte algérienne, Mounir Gouri voit fuir une jeunesse désœuvrée poussée par la guerre civile, les dérives politiques et religieuses, la crise économique et plus généralement par l'absence de perspectives de travail. Ses œuvres sont donc empreintes des rêves et des inquiétudes de ses compatriotes, formulées via la vidéo, le dessin et la performance dans lesquels il utilise fréquemment du charbon de bois. Revenir sur la noirceur, les traumas et les angoisses serait l'expédient pour décrire le deuil et l'exil communs à toute une génération d'algérien·nes.
Après ses études achevées à l'École des beaux-arts d'Annaba (2006-2010), Mounir Gouri poursuit sa formation à l'École nationale supérieure d'arts de Paris-Cergy d'où il sort diplômé en 2020. Entre temps, il aura poursuivi sa trajectoire artistique en exposant dans nombre de lieux en Espagne, en Allemagne, aux États-Unis, et c'est donc fort d'une carrière internationale qu'il poursuit et développe son singulier travail à Paris depuis 2018.
La jeunesse de Mounir Gouri se déroule dans une banlieue très défavorisée d'Annaba, ville portuaire et touristique au nord-est de l'Algérie. Elle est ponctuée par une période dépressive dont il sortira essentiellement par la pratique de l'art, qu'il entreprend alors qu'aucune influence familiale ne l'y encourageait. Le dessin et la performance, complétés par l'usage de la vidéo, lui servent à exprimer et évacuer les traumas et violences sourdes que vivent les jeunes hommes inoccupés qui se voient contraints de quitter non sans souffrance une famille, un clan, un quartier.
Mounir Gouri témoigne par ses œuvres de la vie de ses voisin·es, ami·es et futur·es clandestin·es qui fuient le pays sur des bateaux de fortune afin de rejoindre l'Europe. En 2016, il propose à deux artistes candidats au départ, rencontrés au hasard de discussions dans un café, de les filmer juste avant qu'ils n'embarquent sur leur petite et fragile embarcation qui les emmènera peut-être ailleurs, vers une vie, une carrière de professionnels. Les improvisations du danseur comme celles du joueur de oud (instrument de musique traditionnel) produisent comme un rituel, une longue séquence poétique dansée et joué la peur au ventre, avec l'immense espoir de ne pas se noyer. Cette performance est par ailleurs une poignante adresse de pardon aux parent·es et aux proches abandonné·es à leur départ. Les mots écrits au charbon de bois sur le torse du danseur servent ainsi d'incantation contre une issue fatale, celle de la noyade au large des rives algériennes, au milieu de la Méditerranée.
Cette scène, celle d'une barque sur le départ au milieu de l'eau, est emprunte d'une forte spiritualité alors même qu'elle dénonce une tragique violence sociale : celle qui pousse de jeunes hommes à la mer, à s'exiler, à devenir des harragas (« brûleurs de papier », celles et ceux qui brûlent leurs papiers pour commencer une nouvelle vie).
Outre ce film, Naufrage (2009), les formes récurrentes de la barque, des empreintes de doigts et de mains, les cicatrices et les lames de rasoir constituent les bases du vocabulaire plastique de Mounir Gouri dont le travail est la métaphore d'un naufrage institutionnel et politique : celui d'un régime postcolonial ne pouvant offrir une vie décente à ses citoyen·es.
Béatrice Josse