Vit et travaille à Saint-Ouen. Né à Sainte-Adresse en 1984
Les œuvres d’Emmanuel Le Cerf doivent être attentivement regardées, car s’y loge le quasi invisible ou l’à peine perceptible, que la photographie, elle-même intermédiaire écranique, ne saurait parfaitement livrer. Là réside l’un des enjeux de son travail : rappeler notre capacité défectible à connaître par l’expérience sensible, mais aussi douter de ce que l’intelligence seule dit. La condition des objets et images produits, sujette à modifications, altérations, voire disparition, est, comme celle d’un mastic appliqué sur du tulle (Écran blanc, 2017), d’un papier Fax exposé à la chaleur (Sans titre, 2014), d’une image pulvérulente balayée à la fin d’une exposition (Il n’y aura pas de prochaine fois, 2014) : rémanente.
De fait, la potentialité de ses œuvres à subsister à la disparition de leurs conditions d’émergence, de leur manifestation initiale, tient à leur ténacité à être œuvres au-delà de leur mise en forme. Cette persistance accompagne une temporalité singulière, incluant les phases préparatoires, le temps de monstration, leur devenir questionnable. Les œuvres d’Emmanuel Le Cerf seraient de l’ordre du noumène kantien : existence en soi, quand le phénomène varie selon le moment ou l’angle d’où le spectateur le contemple (Ambulance, 2014), et contient en postulat sa propre finitude. Sur cet incertain statut de l’image comme icône, iconoclasme, réminiscence, spectre, absence, tenant du voile de Véronique comme d’affiches de rue effacées par la pluie, surnagent les peurs que la caméra infrarouge tunée de Phobos (2016) déchiffre, avec la pulsation d’une flamme qui tremble, sur les couvertures noircies de livres : anabléphobie (peur des regards insistants), achluophobie (peur de l’obscurité), et, en particulier, athazagoraphobie : peur d’être oublié.
Audrey Teichmann