Née en 1987 au Royaume-Uni
Vit et travaille à Bruxelles
Formation : Académie Royale des Beaux-Arts, Bruxelles (2009 - 2013)
Supports utilisés : Photographie, Vidéo
Une attention portée, au hasard des trajets quotidiens, à des personnes à l’allure androgyne, au genre indistinct. Un regard contemplatif, ouvert à une réalité vécue en tant que flux, dans la moiteur d’un mois d’août japonais. Loin des apparences figées, tout est fluidité, impermanence ou passage dans l’oeuvre d’Anne-Sophie Guillet. Depuis plusieurs années, l’artiste travaille notamment à une série photographique intitulée Inner Self (moi profond). Comptant à ce jour une vingtaine de portraits effectués au moyen format argentique, à la lumière du jour et en intérieur sur fond neutre, Inner Self se développe à la faveur de rencontres avec des inconnu·e·s qui échappent, de manière apparente, au strict binarisme homme/femme. Que l’effet soit esthétiquement accentué ou qu’un traitement hormonal soit en cours, tou·te·s sèment du « trouble dans le genre ». Frontaux, leurs portraits paraissent drapés d’un silence lourd ; ils n’ont, pour autant, rien de mutiques, mais ils interrogent comment se construit et se représente une identité face au regard d’autrui.
En 2016, lors de la première de deux longues résidences estivales dans une zone rurale du sud du Japon, Anne-Sophie Guillet débute Komorebi, une série mêlant courtes vidéos statiques et photographies travaillées par le brouillage des plans, et dont le nom désigne la lumière filtrant au travers des feuilles des arbres.
Produite à l’intuition, au gré de marches répétées dans un périmètre limité, entre les rizières, les montages et la mer, elle nous plonge « dans un espace-temps de la narration », voire dans l’espace concret de la vie, cet espace où, à l’inverse de l’étendue conceptualisée par le cartésianisme, continueraient de croître ensemble l’être et les choses. Rythmées par les chants si particuliers des cigales japonaises, Goldfish, Screens ou Bamboo Forest pourraient même avoir intégré le concept du mono no aware, cette « sensibilité envers l’éphémère », ou la « poignance des choses », selon la traduction de Jacques Roubaud, qui marque toute l’esthétique de l’archipel.
Par Marie Chênel