Née en 1994 à Saint-Etienne.
Vit et travaille à Marseille.
Diplômée de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs.
Bercée par les histoires empreintes de superstitions et de surnaturel que lui contait sa grand-mère espagnole et voyante, Emma Tholot construit un univers fantastique où se croisent magiciens, sirènes, fantômes et enfant divin. Ces figures archétypales sont les protagonistes d’un corpus de récits qu’elle met en scène dans des installations protéiformes. Alors que la photographie et la vidéo sont les moyens privilégiés de son exploration artistique, son vocabulaire plastique s’enrichit de collages, de sculptures ou encore d‘œuvres sur tissu, qui se déploient dans des dispositifs scénographiques inspirés du théâtre.
Sa passion pour les traditions orales et la culture populaire l’amène à explorer et à interroger la permanence des rituels dans notre époque contemporaine. Elle s’intéresse plus particulièrement aux bals sur les rives de la Méditerranée, et notamment à Ibiza (sa terre familiale).
Munie de son appareil photographique argentique, Emma Tholot étudie avec l’acuité d’une ethnographe et la sensibilité d’une plasticienne les costumes, les bijoux, les coiffures et les broderies. À partir de cette collecte presque documentaire, l’artiste imagine des récits intimes et sensibles qui flirtent avec le mythe. Dans la série Carmela (2022-en cours), l’artiste met par exemple en scène la nourrice de sa grand-mère, qui échappa à un mariage forcé grâce à des ailes en cire... Avec finesse et poésie, l’artiste sonde l’ambivalence de ces rituels ancestraux en donnant à voir l’envers du décor de ces cérémonies folkloriques, qui perpétuent une vision patriarcale de la société. La beauté des bijoux et des costumes ne doit pas faire oublier la hiérarchie des sexes, que mettent en scène des chorégraphies où les jeunes hommes « galopent » autour des jeunes femmes à conquérir.
À la fois légende familiale et récit d’émancipation, Carmela prend la forme d’une installation réunissant une grande diversité de médiums, qui se répondent les uns les autres. Il y a les photographies de mains en gros plan, recouvertes de bagues en or ou en argent ; il y a les photographies mises en scène et transférées sur de la cire récupérée dans les églises ; il y a des textes brodés sur des tentures ; des passementeries ; des médaillons aux allures d’ex-voto ; des grelots… Emma Tholot collecte les détails d’un décorum qu’elle recompose et rejoue à travers des dispositifs scénographiques inspirés du théâtre de rue, en passant du documentaire à la fiction et de la réalité au conte. C’est comme si nous entrions dans les coulisses d’une pièce prête à être jouée, et où se lit la présence fantomatique de son personnage principal : Carmela.
Au-delà de sa fascination première pour le folklore et les croyances populaires qui peuplent les bords de la Méditerranée, Emma Tholot interroge la hiérarchie des sexes telle que ces cultures la performent lors des rites de passage. L’artiste célèbre la résistance et le pouvoir de subversion des femmes à travers les histoires qu’elles racontent de génération en génération, comme pour conjurer le mauvais sort de la domination masculine.
Sonia Recasens