Né en 1996 à Marseille.
Vit et travaille à Paris et Marseille.
Diplômé de la Villa Arson et de l’École nationale des beaux-arts de Paris.
Intensément personnelles, les œuvres d’Ibrahim Meïté Sikely se nourrissent autant de la peinture européenne du XIXe siècle que des mangas japonais ou des comics américains. L’iconographie qu’il déploie sur ses toiles est faite de ces inspirations contradictoires : des images de son enfance entre Marseille et la banlieue parisienne fusionnent avec des personnages d’anime et des super-héros, dans des compositions picturales qui s’inspirent de Gustave Doré (1832-1883) ou de Goya (1746-1828). Par exemple, avec Cavalier qui rit. (Famine), une œuvre de 2021, l’artiste prend pour point de départ une aquarelle du peintre romantique Théodore Géricault intitulée Épisode de la guerre coloniale. Noir sur un cheval cabré (1818-1819), dont il propose une interprétation contemporaine et banlieusarde. Dans sa toile s’entremêlent ainsi le rire mutilé de L’Homme qui rit (1869) de Victor Hugo, le mythe de Jason et la toison d’or, ainsi qu’un sac de riz de la marque préférée de sa mère, dans un mélange saisissant d’éléments autobiographiques et de détails issus de la culture populaire. Ibrahim Meïté Sikely développe un langage alternatif, déhiérarchisant les références culturelles afin « de raconter d’autres histoires qui se démarquent des récits officiels, factuels ou idéologiques produits par les institutions du pouvoir[1]. »
Hybride dans la forme comme dans le fond, son œuvre se caractérise par une utilisation audacieuse de la couleur, une pluralité de techniques allant de l’aplat à l’empâtement et un dessin tantôt lisse, tantôt nerveux. Souvent inspirées de scènes intimes où l’on peut reconnaître l’artiste et ses proches, ses peintures, comme The Marvelous Neighbors of the 5th Floor (2023), situent la vie de son entourage dans un univers fantasmagorique. L’artiste utilise le langage visuel et les traditions picturales occidentales auxquelles il associe des éléments de la culture populaire comme Ryûk, l’ange de la mort de Death Note[1] ou le Surfer d’argent des Quatre Fantastiques[2]. Dans Tête d’étoile (2021), l’artiste se représente enfant, les yeux pleins d’innocence, vêtu d’une cape et de bouées-brassards rouges, prêt à se transformer en Super Saiyan ou super guerrier comme Trunks personnage de Dragon Ball Z[3], dont il tient une figurine dans la main. Les références sont multiples et disséminées dans ses toiles comme des leitmotivs. Certaines œuvres sont empreintes de tendresse et de quiétude, comme Maman/ GOLDEN AGE (2019) où l’on peut notamment lire l’influence de la peintre britannique Lynette Yiadom-Boakye(1977-). D’autres, au contraire, renvoient à une existence faite de lutte et de résistance, comme La Menace Namek (2019) ou Get Ready for the Next Battle (2021). La composition de cette dernière toile reprend l’interface d’un jeu vidéo. L’artiste confie d’ailleurs l’importance des jeux vidéo dans son processus créatif, qui lui inspirent des figures comme celle du cheval du Cavalier qui rit. Oscillant entre réalité et fiction, intimité et fantastique, l’œuvre d’Ibrahim Meïté Sikely invente des formes hybrides pour visibiliser et sublimer son quotidien et ses proches.
Sonia Recasens