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Nelson Bourrec Carter

Né en 1988 à Paris.
Vit et travaille à Paris et Los Angeles.

Diplômé de l’École Nationale Supérieure d’Arts de Paris-Cergy et de l’École Nationale

Supérieure des Beaux-Arts de Nantes Métropole.

Nelson Bourrec Carter est un artiste et vidéaste franco-américain dont la pratique artistique articule le film, la photographie et l’installation. Ayant grandi en Île-de-France, il interroge son héritage afro-américain et ce que l’apprentissage d’une culture à la fois intime et étrangère suppose de fantasme, d’appartenance négociée et d’appropriation. Il s’intéresse aux objets de culture populaire tels que les séries et l’histoire du cinéma, plus particulièrement dans leur rapport aux représentations minoritaires et au traitement du paysage, qu’il soit urbain, périurbain ou rural. Il montre que ces tropes visuels sont plus liés qu’il n’y paraît : ils articulent des questions de genre, de race, et de classe, et prêtent à se demander quels corps – qu’ils soient incarnés ou inscrits en négatif par l'architecture – occupent les espaces de la représentation dans l’économie culturelle américaine. Dans son travail, la construction historique et sociale de la banlieue résidentielle américaine (suburbia) entre en relation avec l’histoire de la ségrégation raciale aux États-Unis, tandis que l'étude des séries télévisuelles permet de retracer l’apparition progressive de personnages racisé·es et queer dans les pratiques cinématographiques. Les régimes fictionnels qui sont mobilisés pour décrire les communautés queer et afro-américaines à l’écran constituent une matière que son travail vient commenter, distordre et transformer, au même titre que la construction narrative du genre documentaire, pris entre description et traduction du réel.

Pour son œuvre Strange Bedfellows (2023), produite dans le cadre de l’exposition du prix Utopi·e, il s’intéresse à la temporalité de l’image fixe à partir de la série Oz, diffusée sur HBO de 1997 à 2003. Dans un épisode de 1998 qui donne son titre à l’œuvre, Oz met en scène une romance homosexuelle entre les prisonniers Keller et Beecher, dont le premier baiser marque un tournant dans l’émergence des relations LGBTQIA+ sur le petit écran. Néanmoins, le caractère ultra-violent de la série et le paysage morbide de la prison sont caractéristiques de l’illustration par la culture dominante des amours gay, toujours marquées par le trauma et le tabou. Prenant la forme d’une mosaïque de 112 carreaux en céramique impressionnés, c’est-à-dire utilisés comme support pour un tirage argentique réalisé à la main, Strange Bedfellows vient dilater ce bref moment de tendresse à partir de trois images-sources. Le surplus de texture qu’apporte le traitement par chlorobromure, et la répétition de trois images formant un succinct mouvement, viennent épaissir la temporalité de l’instant et sa charge sémantique. L’œuvre de Nelson Bourrec Carter nous parle de survivance, du danger qui menace les vies queer, mais aussi de la puissance de ces rares images d’altérité qui ont marqué les esprits d’une génération née au tournant des années 1990.

Thomas Conchou

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